En effet, l’article 214 –III-A du CGI a été amendé en stipulant pour certaines entreprises (1*) l’obligation de communiquer à l’Administration fiscale, par procédé électronique, deux fichiers constituant le socle de justification de la politique du prix de transfert. Il s’agit du fichier principal, décrivant la politique du prix de transfert pratiqué au sein du groupe à l’échelle mondiale, et le fichier spécifique, dit local, dédié à la description de la politique du prix de transfert de chaque entreprise liée au groupe.
De ce renforcement du cadre légal, et compte tenu de la marge de manœuvre en termes d’interprétation que procure l’étude des prix de transfert pour le fisc et contribuables, on peut comprendre légitimement que les contrôles fiscaux vont se focaliser de plus en plus sur le chalenge systématique des prix de transfert. L’entreprise marocaine concernée a donc tout l’intérêt, pour justifier et défendre sa politique de prix de transfert, d’anticiper l’élaboration d’une documentation de ses prix de transfert, notamment le fichier local.
Sans prétendre à l’exhaustivité, nous présentons ci-après quelques points importants auxquels il conviendrait de prêter attention lors de l’élaboration du fichier local. Il ne s’agit pas ici de présenter la structure du fichier, que les publications de l’OCDE en traitent abondamment, mais plutôt des recommandations pratiques à prendre en considération pour se doter d’une documentation cohérente et riche en informations pertinentes à portée de répondre à l’avance aux interrogations éventuelles du fisc :
1- Préparer l’information sur la méthode des prix de transfert
L’article 214-III-B du CGI précise les informations qui peuvent être demandées par l’Administration fiscale. Il s’agit des informations se rapportant :
- À la nature des relations liant l’entreprise imposable au Maroc à celle située hors du Maroc.
- À la nature des services rendus ou des produits commercialisés.
- À la méthode de détermination des prix des opérations réalisées entre lesdites entreprises et les éléments qui la justifient.
- Aux régimes et aux taux d’imposition des entreprises situées hors du Maroc.
Le contenu des deux fichiers sus-indiqués tel que recommandé par l’OCDE a le mérite de présenter ces informations d’une manière structurante. Après avoir recensé et décrit l’ensemble des transactions réalisées par l’entreprise (vente de biens et/ou services, management fees, redevances, etc.), il y a lieu d’associer à chaque transaction en premier lieu le descriptif du cheminement aboutissant au choix de la méthode retenue tout en comparant les différentes méthodes et les raisons justifiant la méthode adoptée. Ensuite, une étude économique spécifique à chaque transaction est à entreprendre pour justifier le principe de pleine concurrence des prix de transfert.
L’on rappelle que l’entrée en vigueur effective de ces deux fichiers reste tributaire de la publication du décret d’application. Néanmoins, le fait d’en disposer pourrait être vu, en cas de contrôle fiscal, comme une présomption de transparence de l’entreprise et de la normalité des prix pratiqués. On peut même admettre, en l’absence d’un accord préalable sur les prix de transfert, que les deux fichiers restent incontestablement la meilleure preuve tangible pour défendre sa politique des prix de transfert.
2- Veiller à la cohérence entre les transactions contrôlées et la méthode des prix de transfert adoptée
La méthode à retenir doit être justifiée et cohérente avec les fonctions exercées, les risques assumés et la rémunération en ligne avec le principe de pleine concurrence (« les comparables »). Elle doit aussi tenir compte de la position économique réelle de l’entreprise au sein du groupe. En effet, à l’issue de l’analyse fonctionnelle, l’entreprise repérée comme « entrepreneur principal », c’est-à-dire réalisant l’essentiel de la création de la valeur économique, il est essentiel de considérer que le niveau de rémunération des actifs doit être d’autant plus élevé que les risques sont importants et les fonctions exercées sont à forte valeur ajoutée. Par conséquent, on doit admettre que la grande part du bénéfice (ou perte), après déduction de la rétribution de toutes les entités du groupe, revient à l’entrepreneur principal.